Pourquoi (re-)revoir encore « Downton Abbey » ?


La célèbre série au six saisons et deux films n’en finit pas de cartonner à chacune de ses régulières rediffusions. Les fans réclament à cor et à cri une suite ; ils ont été en partie entendus, un troisième film est en cours de tournage, sortie prévue en salles le 12 septembre 2025. Mais pourquoi tant de succès ? Tentative de réponse (personnelle)

Affiche promotionnelle du premier film

Fan sur le tard

Je ne faisais pas partie des fans de la première heure, je crois que j’ai à peine dû voir quelques épisodes de la saison 6 à sa première diffusion et je m’étais dit « pas mal ». De rediffusion en rediffusion, comme le saumon qui remonte le courant de la rivière, je suis arrivé jusqu’à l’épisode un de la saison une. Au vu de la vacuité des programmes télévisés actuels, lorsqu’une énième programmation est annoncée, je saute dessus et visionne  avec toujours autant de plaisir, voire de passion, ce récit dont je connais la moindre action. Il y a peu, Google, notre meilleur ami flic, m’a proposé dans son fil d’actualités une très agréable émission de France Inter dédiée à l’analyse de la saga de la noble famille Crawley. Il y est exposé certains ressorts narratifs et la valeur métaphorique universelle de ce microcosme.

Un divertissement pour normies ?

La grande question : pourquoi regarder une bluette élitiste et nostalgique aujourd’hui ? alors que nous sommes en plein déballage de tous les mensonges dont on a farci le peu de cervelle qui reste au bon peuple abruti depuis plus de cent ans ? Même la tragédie au centre du premier épisode, à savoir le naufrage du Titanic, porte son lot de révélations occultes. Bref, Downton Abbey ne serait qu’un divertissement de normies ? Oui mais non, il s’agit d’une fable sur la résilience, le lâcher prise d’un milieu promis à disparaître, ou comment jeter l’eau du bain sans le bébé.

Résilience : une définition

Petit détour sur la définition du terme galvaudé de « résilience ». Ainsi que me l’expliquait au cours d’un échange la Dre Frédérique Giacomoni : – Au cours de mes études, on me parlait de résilience mais on ne m’en a jamais donné la définition ! Aujourd’hui, je conçois ce trait psychologique comme le fait de mettre toutes les chances de son côté. Si je m’inscris à l’université pour obtenir un diplôme, par exemple, je vais suivre tous les cours prescrits, rendre tous les travaux exigés, faire toutes les lectures à mon programme et me préparer à mon examen final en ayant suffisamment dormi, mangé et bu afin d’être au mieux de ma forme. Après, que ça passe ou ne passe pas, ça ne m’appartient plus, j’ai fait tout ce qu’il fallait de mon côté pour réussir.  Il y a un moment où les événements ne nous appartiennent plus, on ne va pas se mettre la rate au court-bouillon pour une chose sur laquelle nous n’avons plus aucune prise. Autant rester calme, sur ses gardes et aviser en fonction de ce qui suivra. Ma définition du lâcher-prise/résilience n’est toutefois pas définitive, elle peut encore évoluer.

Un idéal paternaliste chahuté

Revenons-en à Downton Abbey, tous les personnages forment un écosystème, de la plus obscure bonniche à la péteuse Lady Mary ; tous sont liés et doivent faire face aux profondes modifications de la société au début du XXème siècle. Les Crawley ont à cœur de maintenir leur héritage et le transmettre intact aux générations futures. Ils se sentent une mission sociale aussi, incluant leurs gens et le petit peuple du village dans leur réussite, même s’ils se font servir au salon et les bonniches triment au sous-sol. C’est un idéal paternaliste confronté à des exigences de transformations démocratiques, progressistes et féministes. Dans ce pas de deux maîtres-manants, chacun conduit à son tour. Et, surtout, on se respecte jusque dans les désaccords les plus orageux.

Personnages favoris

Florilège de quelques personnages. J’aurais de la peine à décerner le titre de mon personnage préféré. J’en propose quatre à votre admiration.  Commençons par l’âme des lieux … ou son estomac, Mrs Patmore, la cuisinière, célibataire endurcie, bienveillante, fidèle dans ses affections et peu encline au rejet. Elle a toujours un mot sensé et concret lors des situations les plus tendues. Elle n’est pas fermée au changement quoique ne voit pas forcément le progrès dans le progrès technique. L’autre personnage des plus attachants, la petite souris grise de la maison, Daisy Mason, l’aide de cuisine qui ne veut pas en rester là et prend conscience épisode après épisode de l’étendue et de la richesse du monde. Elle reprend des études « pour ne pas rester bête ». Elle demeure néanmoins attachée à Downton pour ses vertus morales et pas par peur de l’inconnu. C’est une révoltée mesurée. Poursuivons avec le valet de pied Thomas Barrow ; il est gay, tout le monde le sait, les domestiques en font des gorges chaudes alors que les maîtres savent que, ma foi, tous les goûts sont dans la nature. Barrow est l’arme secrète en situation de crise. Il n’a pas peur des coups tordus ni de plonger les mains dans la m… Il fait preuve à maintes reprises d’un vrai courage physique. A relever sa jalousie du bonheur des autres par dépit. De plus, il se sent socialement humilié mais vise paradoxalement à devenir majordome à la place du majordome ?! Côté salon, même si les saillies de Lady Violet, la comtesse douairière, sont un délice et l’empathie de Lady Cora, la comtesse en titre, un baume de bon sens et de tolérance, ma préférence va vers la sœur fâchée, Lady Edith. Toujours regardée comme une pauvre chose, pas aussi fantasque et libre que Sybil, sa cadette, pas aussi belle, noble et énergique que Mary, son aînée, elle se démarque par son intelligence et sa sensibilité. Elle se montre au fil des saisons la plus déterminée et la plus progressiste de tous. Elle a le courage de s’affirmer et, comme dans tout bon conte de fée, fini heureuse, mariée, avec un titre encore plus important que celui de sa sœur et « concurrente ».

Récit initiatique

Downton Abbey nous raconte un monde en train de disparaître mais ne s’avouant pas vaincu. Face au « crac-boum » nécessaire qui nous menace, oui, menace nos habitudes aimées, nos repères et les vies que nous avons menées jusqu’en mars 2020, cette série nous apprend à affronter le changement, à négocier avec la vague et à transformer nos craintes en promesses. Il s’agit d’un récit initiatique – marqué d’épais traits caricaturaux – qui, sous couvert d’émotions faciles et de divertissement, vient nous rassurer à la tombée de la nuit.

2 réponses à “Pourquoi (re-)revoir encore « Downton Abbey » ?”

  1. J’ai adoré cette série par la justesse et l’authenticité des personnages, de quelque rang et de quelque âge qu’ils soient. Tous et toutes ont quelque chose à nous apprendre. À ajouter : la beauté des lieux (le château lui-même, les jardins, les salons, les escaliers, les cuisines ou les chambres de bonnes) : un vrai délice. Les dialogues et l’évolution des personnages avec les années. La délicatesse et l’humour british font le reste. A voir en v.o. absolument !

  2. Bonjour 🌹
    Moi j’adore cette émission rien que pour les habits de l’époque 😉
    Avec toujours des dames de chambre pour aider à habiller…
    Déjà vu les séries passés, j’ai été voir le 🎥 au cinéma e hier j’ai repris sur Netflix 😉, à la sortie du film j’y serai aussi 😉
    Faudra bien rêver non ???
    Si vous aurez un billet pour moi je vous remercie aussi

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