Eh bien ! Dansez maintenant – épisode 5


La suite du feuilleton, ne manquez pas les épisodes 1 à 4 déjà publiés. Petit résumé : le narrateur non-vacciné est coincé dans la dictature sanitaire helvétique. Histoire de trouver un peu de liberté, il a mis le cap sur la Pologne, pays qui n’a jamais appliqué le passeport sanitaire et qui n’a jamais fermé ses frontières à ses visiteurs étrangers !

N° 6, alias Patrick McGoohan dans son rôle phare du « Prisonnier », série dystopique et délirante tournée en 1967 et 68

Il a fallu rentrer. On n’a jamais autant conjugué le verbe « falloir » depuis deux ans, avec un petit tas de bonnes raisons mais, surtout, la force de l’habitude. J’en étais resté au « Plac Nowy 1 », il s’est pourtant passé près d’un mois depuis ce dîner. Vingt fois, je me suis dit que je devrais témoigner de ceci ou cela … Le cahier est resté au fond de mon sac, j’ai préféré visionner une vidéo complotiste ou terminer une série quelconque. Je mène une toute petite vie, très confortable, pleine d’agréments et d’ennuis. Je grille toute mon énergie à résister aux impératifs sociaux de la norme. Je pourrais finalement me faire vaxxer, qu’importe, mais je ne retrouverai pas la bonne vie que je connus, parfois, avant, quand l’ivresse légère, la bonne humeur berlinoise et le commerce de garçons avenants me portaient. Même vaxxé, il me faudrait tendre un ausweis avec QR-code et une pièce d’identité, et porter le niqab sanitaire (l’expression n’est pas de moi, elle est de Modeste Schwartz) et toutes les fibres de mon être – selon l’expression consacro-galvaudée – s’y opposent. Je ne suis pas un QR-code, je suis un homme libre ! (dixit n°6, Le Prisonnier).

Parfois, je repense à maman, à son corps de carton après son décès. J’ai payé les obsèques avec une carte de crédit, de ce côté-là, le chapitre est clos. J’ai aussi conservé les albums-photos et quelques vases et, parmi mes meubles de « jeune fille », j’ai repris très peu : une chaise Louis-Philippe, une vitrine avec son miroir et une horloge assortie, le tout incrusté d’écaille de tortue (vraie et fausse), de nacre, de laiton dans un style pseudo-Boulle ; c’était un cadeau de papa. Tout cela est venu prendre place dans l’appartement, le cube néo-Art Déco dans lequel nous avons emménagé en mars 21. Il y a aussi une petite table de nuit en sapin teinté hêtre, dessus de marbre, qui venait de chez grand-maman qui nous a suivis, et le baromètre de grand-papa. Tout le reste a été emporté par ma sœur, mon beau-frère, neveu, nièce, leurs conjoints … Bon débarras. Ma sœur a gueulé lorsque l’office des poursuites et faillites est venue  lui réclamer des photos du dit mobilier. Nous avons répudié la succession. Ma sœur a aussi conservé les cendres de notre mère, dans une urne en aluminium teinte en bleu, même pas  de l’aluminium anodisé.

Je mène donc une toute petite vie avec Cy. et les chiens, une toute petite vie dans un écrin précieux, entre les tableaux, les tapis noués main, les tentures, les lampes sophistiquées, les bibelots de bronze, les statues pieuses, anciennes pour la plupart, les fleurs coupées, achetées pour rien dans le Lidle voisin. Je ne suis plus qu’un inventaire bovaryen de  riens raffinés. Ça occupe. C’est toujours mieux que de boire même si ça remplit les placards. Maman est morte, nous vivons en dictature et j’ai bien passé une quinzaine d’heures sur quatre jours à rechercher un service à thé, complet, six personnes, tasses, sous-tasses, assiettes à dessert, théière, pot à lait et sucrier. J’ai trouvé mon bonheur sur Ebay, de la porcelaine allemande sans dorure, design fin 70-début 80. J’ai aussi acheté du cognac dans la foulée, du Courvoisier à un très bon prix. Il a un petit goût moelleux d’amande et vous réchaufferait le cœur le plus glacé. Maman avait racheté du cognac, m’en proposer quand je passais la trouver, elle était déjà malade. Je n’ai pas eu le temps de planquer la bouteille, ma sœur et mon beau-frère l’ont embarquée.

C’est fait, j’ai enfin le covid ! Depuis le temps, je commençais à croire qu’il s’agissait d’une farce, une sorte de mythe « gagueux » pas drôle mais non. J’avais une réunion ce soir, mes nouveaux amis, faire un test histoire de rassurer tout le monde. Ce serait mieux si j’étais vacciné, mais on m’a dit de ne rien dire et de faire des tests. J’ai tout de même eu le temps d’aller dans un fitness qui regarde ailleurs avant que ne tombe la bonne nouvelle d’un résultat positif, plus besoin de louvoyer désormais, je pourrais ouvertement allumer les vaxxés derrière leur petite tasse de café, leur petit privilège moutonnier et discriminatoire, fréquenter moi aussi les lieux publics où ils promènent leurs petites peurs, leur sang impur, leur médiocrité gourmande. Je repense à un récent échange avec l’un de mes anciens élèves, un artisteux présomptueux qui tenait absolument à me montrer sa carte de presse de Libé, un débile qui s’accroche à ses gestes barrière et balance une question rhétorique qui se voulait fielleuse « la vaccination n’est pas encore obligatoire dans l’enseignement en Suisse ? » Peu après, il surenchérit « je me marre, dans quelques semaines, les non-vaccinés ne pourront plus rien faire ! » Si, si, du con, t’inquiète, on sera encore suffisamment libre et en état pour aller déféquer sur ta tombe, quand tu claqueras d’une myocardite ou d’une maladie auto-immune d’ici 10 ans. T’as déjà une mine de chiotte, sale merdeux présomptueux, et son pote, version gentille négation, qui ne veut plus perdre une minute avec le covid parce que son temps est trop précieux ; la veille, par exemple, il a découvert un album de Pierre Vassiliu ! Hey, mes connos, bibi, il peut faire ce que vous faites et il ne promène pas une thérapie génique foireuse dans ses veines. Avec le passe, je retrouve la légitimité de ma vindicte : je suis plus que votre égal, je l’ai eu, je n’en ai pas clairement souffert et je pourrais me pavaner sur les plates-bandes réservées aux vaxxés et leur dégueuler dessus au passage. Dommage que maman ne soit plus là, je l’aurais appelée cet après-midi, elle serait morte de rire avec cette bonne blague.

Le passe ne changera rien. La fin des mesures nasitaires ne changera rien. L’honneur, une fois taché, même après être passé à la javel puis lavé à 90°, ne revient jamais propre. Les bistrotiers, les musées, les théâtres, les cinémas, l’Eglise et, même, mes chers salons de thé resteront pour toujours des établissements collabos où le pognon et la conformité sociale auront primé. Je comprends ceux qui, de leurs vœux, appellent le grand crac-boum pour partir fonder une nouvelle société en schlaps au fond  des grottes, éclairés à la bougie. Eux aussi doivent avoir terriblement mal face à la trahison des lieux publics du bonheur quotidien. Rien ni personne ne fera non plus revenir maman. Personne n’est immortel et retourner auprès de son Créateur à 82 ans ne peut pas vraiment être qualifié de « départ anticipé ». Ça n’est pas une question de trop tôt mais de « si vite » ! Je lui ai lâché le bras à peine 5 secondes et elle est tombée, en arrière, comme poussée dans les fourrés le long de l’entrée du no 13 de l’avenue de la Vogéaz, le bâtiment où nous habitions. Sa tête a pile heurté la petite bordure de ciment qui délimite le bitume des massifs. Je l’ai vue partir en arrière, trébucher, tomber, s’assommer. J’ai espéré qu’elle tombe dans les arbrisseaux couvre-sol mais elle a chu juste devant. Je suis resté stupéfait, suspendu, un peu curieux de la suite, comme spectateur. J’ai l’impression de m’être très calmement approché, voir si la chute n’avait pas été fatale mais non, ma mère dormait, calmement, son souffle léger et régulier, les traits reposés. Ce jour-là, elle n’était vraiment pas en forme. Elle aurait dû subir sa chimio mais l’oncologue l’avait trouvée trop faible. Il comptait même l’hospitaliser. Ma mère avait évidemment refusé. Je n’étais pas présent à la consultation. J’avais déchiré mon pantalon en devant me contorsionner afin de prendre place dans un Uber trop étroit, derrière le chauffeur, se plier en 24 et – effet de ma surcharge pondérale récente – mon pantalon a cédé. Littéralement le cul à l’air. Par conséquent, j’ai laissé ma mère chez l’oncologue, le temps de courir dans le  magasin de vêtement le plus proche, redescendre au cabinet, la consultation était terminée. Ma mère avait même refusé une transfusion destinée à la requinquer pour le jour-même, trop fatiguée pour cela, tout avait été reporté au lendemain. Il a tout de même fallu faire un crochet par la clinique pour une prise de sang ou je ne sais trop quoi, puis un nouvel Uber retour à Morges. J’eusse aimé que ma mère rentrât de suite mais quelques courses, « je reste un moment chez toi si ça ne te dérange pas, le temps que tu fasses mes courses ». No problemo. Elle  voulait voir les chiens je pense. Le temps de trouver ce qu’il lui fallait, de me poser un moment à côté d’elle, assoupie, sur le canapé, toute froissée, menue, mais le poids de son mal, qu’on a envie de repousser d’un mouvement sec comme une couverture trop lourde, étouffante. On s’est remis en route, un taxi épouvantable. Et l’épreuve de l’appartement familial un peu puant. J’ai peut-être été trop pressé. J’aurais voulu la laisser au plus vite, pas ma mère mais le boulet de son cancer, de la désorganisation générale de ses soins, de la saleté de son logement. Et elle est tombée, comme ça, inconsciente sur le sol, sommeil paisible. Un peu de sang s’est mis à ruisseler de sa tempe gauche. J’ai l’impression d’avoir mis très longtemps avant d’appeler les secours, le 144, d’avoir pris tout mon temps pour expliquer la situation, donné mon nom, l’adresse, « ne vous inquiétez pas, Monsieur, l’ambulance est déjà partie, même si j’ai encore quelques questions ». J’avais envie de répliquer à la répondante que je connaissais les procédures du 144, que je savais que l’ambulance ne tarderait pas, j’ai peut-être eu un mot d’impatience, une partie opérative de ma personne était peut-être aux commandes et s’agitait alors que, fondamentalement, je regardais cela avec un peu d’étonnement. « Stimulez votre mère, réveillez-la ! » Oui, elle respire, son souffle est régulier, elle n’a pas pâli, elle semble … bien. Fin de l’appel. Une voisine paniquée, défaite, m’a proposé de l’aide, « les secours arrivent, merci ». J’ai utilisé l’une des culottes-lange de rechange que ma mère avait dans son sac pour lui caller la tête, ne pas la bouger, éponger aussi, un peu, le sang, puis la réveiller mais elle dormait si bien, son souffle paisible, ses traits détendus. Sitôt réveillée, « aide-moi à me relever ! » d’une voix plaintive, méconnaissable.

– J’ai mal

– Tu ne bouges pas ; j’ai appelé une ambulance, tu t’es peut-être cassé quelque chose. Tu as perdu connaissance.

– Pourquoi tu as appelé une ambulance ?

Puis les secours, appeler l’oncologue, les instructions étaient claires : pas l’hôpital de Morges. Ils sont trop  nuls. Lors d’une hospitalisation d’urgence en novembre 2020, en plein délire pseudémique covidiotique, ces débiles l’avaient laissée traîner 3 jours en station covid et, finalement, vexés qu’elle ne se décide toujours pas à être positive, ils l’ont balancée en médecine II, sans rien faire contre sa diarrhée. Avec l’oncologue, nous avions finalement réussi à l’extirper de cette ornière médicale et l’envoyer se retaper à Bois-Cerf. Je me souviens encore du mot d’un ambulancier venu l’emmener d’urgence « … et les gens se promènent dans la rue, comme ça, ils ne s’aperçoivent pas de la gravité de la situation ?! » Euh, oui, à ce moment-là, j’avais déjà connaissance de la gravité des mensonges, de l’inutilité des mesures, de l’escroquerie faramineuse dont nous étions victimes. Quelques mois plus tard, on a les chiffres, la statistique officielle, pas de surmortalité covidiotique, rien, surtout des décès dus à la maltraitance sociale. Maman a tout de même été très bien soignée, à part l’épisode à l’hôpital de Morges (EHC). Elle est morte parce qu’à bout, dévorée par la maladie, la fatigue, l’usure.

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