RECONNAISSANCE FACIALE:
La technologie de reconnaissance faciale fait peu à peu son apparition dans l’arsenal des polices cantonales. Un outil puissant, qui permet de détecter un visage sur des vidéos ou photo.
En Suisse, quatre polices cantonales utilisent déjà des logiciels de reconnaissance faciale, parmi lesquelles celles de Neuchâtel et Vaud.
A Saint-Gall, la police utilise depuis plus d’une année un logiciel de reconnaissance faciale pour identifier les auteurs de crimes.
Est-ce vraiment légal ?
La police a-t-elle besoin d’une autorisation de la justice pour utiliser ce logiciel en fonction des cas ?
«Non, c’est un travail de police comme on le fait pour les autres traces. Tant qu’on reste dans la comparaison entre une trace prélevée sur les lieux et nos bases de données de la police, c’est un travail de police», répond Jean-Christophe Sauterel de la Police Cantonale Vaudoise.
Les bases légales concernant l’utilisation de la reconnaissance faciale sont encore lacunaires. Pour Monika Simmler, professeure en droit pénal à l’Université de Saint-Gall, cette technique policière est illégale, même si la technologie n’est pas spécifiquement interdite.
«En matière de poursuite pénale, tout ce qui n’est pas autorisé est interdit. L’Etat ne peut faire que ce que le législateur autorise explicitement à la police. La reconnaissance faciale, contrairement aux empreintes digitales ou à l’analyse ADN, n’est pas prévue par le code de procédure pénale. Elle est donc automatiquement interdite», détaille la spécialiste.
Comme souvent, la technologie a une bonne longueur d’avance sur la législation, ce qui inquiète de nombreuses personnes. Une pétition visant à interdire la reconnaissance faciale de masse a ainsi été remise dans les principales villes de Suisse.
«Nous ne faisons aucun procès à la police d’essayer d’utiliser les moyens les plus efficaces pour résoudre les enquêtes. Mais derrière, il y a une question de droit et une question démocratique qui se pose (…) Ce qui m’inquiète, dans l’utilisation de ces logiciels par la police, c’est l’effet de précédent», déplore le conseiller communal lausannois Benoît Gaillard.
Le socialiste lausannois craint aussi que la population s’habitue à cette technologie « par la petite porte ». «On l’utilise d’abord dans un certain cadre d’enquêtes et puis peut-être qu’après on l’utilisera de façon préventive. Ensuite, on a envie de déployer davantage de caméras qui permettront d’utiliser cette technologie. On fait finalement l’erreur de laisser des choses qui sont rendues possibles par la technologie s’installer peu à peu, sans en avoir jamais vraiment débattu démocratiquement», explique-t-il.
Actuellement, la loi autorise la reconnaissance faciale préventive via les caméras de surveillance dans seulement deux situations. Autour des stades, afin d’identifier des supporters frappés d’une interdiction de périmètre, ainsi qu’aux postes frontières.
«C’est une banque de données énorme et la tentation est très grande»
Il n’est pour le moment, pas encore question pour la police de faire tourner ses logiciels sur la base de données des permis de conduire ou sur celle des passeports biométriques pour identifier des suspects.
«C’est une banque de données énorme et la tentation est très grande pour le législateur de dire: ‘Finalement, pourquoi ne pas accéder à ces données et les utiliser? Ça pourrait permettre d’élucider certains crimes!
Cela permettrait aussi des dérapages énormes, puisque cela permettrait de suivre à la trace, au visage, un très grand nombre de personnes», poursuit Sylvain Métille professeur associé à l’Université de Lausanne.
On en arrive petit à petit à un scénario à la chinoise d’une surveillance de masse de la population, où des millions de caméras de surveillance scrutent en permanence les citoyens dans l’espace public et sont même capables de signaler en temps réel les comportements suspects se terminant par des arrestations préventives…
Source: RTS