La tension entre Berne et Berlin au sujet de la guerre en Ukraine s’intensifie.
L’Allemagne voudrais livrer à Kiev des projectiles destinés au char antiaérien allemand. Petit hic, les munitions qui ont été livrées à l’Allemagne il y a très longtemps sont Suisse. Berlin a donc besoin de l’autorisation de Berne pour les réexporter.
Mais le Conseil fédéral s’y est déjà refusé en juin dernier, mettant en avant notre droit à la neutralité et de la loi sur le matériel de guerre qui interdit de telles exportations.
Cette semaine, la ministre allemande de la Défense, Christine Lambrecht, a retenté sa chance en réécrivant à nouveau au Conseil fédéral pour lui demander de changer d’avis. Berlin met en avant que l’Ukraine a besoin de ce matériel de guerre pour protéger ses exportations de céréales.
Berne doit encore se prononcer.
Certains élus allemands font déjà pression sur la Suisse, jugeant incompréhensible l’attitude de Berne.
«Face à une guerre qui ne concerne pas seulement tous les pays européens, mais qui provoque aussi des souffrances globales, la référence à la neutralité n’est pas viable», estime ainsi Roderich Kiesewetter, un membre de la commission des affaires étrangères du Bundestag. Et d’évoquer carrément un «non-assistance à personne en danger».
D’autres encore en viennent aux menaces.
Pour Marcus Faber, membre de la commission de la Défense pour le Parti libéral-démocrate, «Si les réexportations sont impossibles dans un cas comme celui-ci, à mon avis, il ne sera plus possible d’acheter des armements en Suisse à l’avenir.»
Dans ce cas, Berne devrai renoncer à vendre des armes à l’Allemagne, qui est le plus gros client de la Suisse dans ce domaine.
Le rôle de la Suisse ?
Le gouvernement ukrainien assure que les munitions demandées par l’Allemagne serviraient à protéger les exportations de céréales et éviter une famine en Afrique.
Mais pour le Valaisan Jean-Luc Addor, conseiller national, ce n’est pas le rôle de la Suisse, qui doit rester à l’extérieur de ce conflit.
«Si notre pays est encore neutre, il doit dire non à l’exportation de ces munitions», déclare-t-il.
Si beaucoup voient cela comme une attaque à la neutralité suisse, le conseiller national Philipp Matthias Bregy, ne le voit pas du même œil. Pour le Valaisan, le Conseil fédéral peut et doit passer outre cette loi. «Pour nous, il est clair que la Russie attaque l’Ukraine et les valeurs européennes, donc les valeurs de la Suisse. Dans ce cas particulier, le Conseil fédéral doit donner sa permission», explique-t-il.
«Dans la Constitution, on a un article qui dit clairement que le Conseil fédéral a le droit de tout faire en matière de politique extérieure si cela défend les intérêts de la Suisse», ajoute Philipp Matthias Bregy.
«Est-ce que c’est vraiment le combat de la Suisse? Est-ce que notre pays peut exporter des munitions qui seront engagées contre la Russie ?», questionne de son côté Jean-Luc Addor. Le parlementaire répond clairement «non». Selon lui, ce qui est demandé à la Suisse est une intensification du conflit.
[Revoir: Du matériel de guerre «à moitié suisse» pourra être envoyé à l’Ukraine.]